L’œuvre de Chopin est connue pour avoir donné lieu à un très grand nombre d’éditions comportant des divergences de tous genres, publiées de son vivant et suivant sa mort.


Comment peut-on expliquer cette multiplication d’éditions ?

 

  • La façon d’enseigner de Chopin

 

Bien que très perfectionniste dans son écriture sur le plan formel, il arrivait à Chopin de jouer une pièce musicale de deux manières différentes comme en témoignent ses élèves. Des annotations pouvaient aussi être apportées directement par le maître à la partition de l’élève, modifiant ainsi l’exécution musicale. Ces éléments pouvaient être tant des doigtés que des phrasés et même des différences de notes ou des dynamiques.

 

Certains élèves les plus proches de Chopin comme Mikuli et Tellefsen ont repris des éditions existantes en y ajoutant ces particularités qu’ils considéraient fidèles à l’enseignement reçu. À ces particularités s’est parfois ajouté le point de vue personnel de l’élève rendant encore plus difficile de départager le matériel original des ajouts de l’élève.

 

  • La reprise de l’œuvre par divers pédagogues et musiciens de renom

 

D’autres grands musiciens tels que Hans von Bülow, Jan Kleczynski, Claude Debussy et Alfred Cortot ont publié à leur tour des éditions de grande valeur pédagogique. Dans ces éditions, les musiciens ont noté des suggestions diverses de doigtés ou même des exercices pour mieux réussir certains passages de la musique de Chopin. Ces pédagogues et pianistes ont eux aussi participé à diffuser de nouvelles éditions de la musique de Chopin. Aussi, on rencontre d’autres éditions pour auxquelles aucun nom d’éditeur n’est associé.

 

  • Les procédés d’impression

 

Les procédés d’impression de l’époque contribuèrent également à la multiplication de versions différentes d’une même pièce. Entre l’étape de livraison du manuscrit par Chopin jusqu’à sa publication, il n’était pas rare que certaines corrections soient apportées par le maître lui-même, acheminées à différents stades de la démarche auprès des éditeurs français, allemands, anglais, italiens et polonais. Chopin fit aussi d’autres changements suivant la publication des premières éditions, qui s’intégrèrent aux réimpressions subséquentes. En plus des correctifs du maître, les éditions comportent à des degrés divers des erreurs de retranscription de l’éditeur.

 

Mentionnons à ce sujet que le style d’écriture de Chopin était très personnel. À cet effet, certains signes très particuliers ont été fautivement copiés et ont induit en erreur dans bien des cas.

 

En France, l’expiration du droit d’auteur dix ans après la mort du compositeur entraîna lui aussi une dispersion de contenu alors que les éditeurs apposaient parfois le sceau de leur propre lecture dans la partition sans l’approbation de Chopin.

 

  • La reprise de l’œuvre par des critiques

 

À partir de 1878, on assiste à une période de recherche de version plus près de la version originale. Des éditions critiques sont produites dans le but de présenter la version la plus rapprochée à la tradition du compositeur et aux sources les plus fidèles. Elles sont élaborées par des équipes de chercheurs et avec la participation de musiciens célèbres dont Liszt et Brahms.

 

 

Parmi toutes ces éditions, laquelle choisir ?

 

Depuis 1859, que ce soit sous forme partielle ou complète, on dénombre 70 éditions de la musique de Chopin. En tant qu’interprètes et pédagogues,  ceci amène naturellement à poser la question suivante : quelle édition choisir ?

 

Deux pistes sont à considérer afin de faire un choix éclairé parmi les éditions existantes.

 

  1. L’actualité

Parmi les éditions qui proposent un regard critique et qui sont les plus populaires, mentionnons :

 

- L’Édition Nationale Polonaise présentée par J. Ekier, qui est utilisée comme référence pour le Concours international Chopin de Varsovie
- L’Édition G. Henle Verlag présentée par E. Zimmermann, H. Keller et E. Herttrich.
- Nouvelle édition critique C. F. Peters avec la participation de J. Rink, J. Samson et J.-J. Eigeldinger.
- Wiener Urtext, présentée par B. Hanse, J. Demus, P. Badura-Skoda et J. Ekier.
- L’Édition Paderewski, Bronarski et Turczynski, l’édition la plus populaire comme alternative d’édition polonaise et facilement accessible en ligne et en magasin.

 

Il existe aussi nombreux sites internet qui présentent des études comparatives entre les premières éditions:

 

- L’Online Chopin Valorium Edition proposé par l’Université de Cambrige en Royaume-Uni

- Le projet des premières éditions de la bibliothèque de l’Université de Chicago

- Les premières éditions de Chopin en ligne

- Sur le site de l’International Music Score Library Project, beaucoup d’éditions dont les droits d’auteurs ont été libérés ainsi que certains manuscrits facsimilés peuvent être consultés. 

 

 

2. L'enseignant à niveau préparatoire

 

Pour les enseignants d’élèves à niveau préparatoire, il est évident que le choix peut être affecté par des aspects tels que l’accessibilité et la différence des prix des éditions sur le marché. Dans ces circonstances, le rôle de l’enseignant est de se renseigner sur les différences entre les éditions. Ainsi, l’élève qui retient une édition d’origine considérée moins fiable pourra être guidé dans ses choix techniques et musicaux.

 

 

En conclusion

Devant cette immense quantité d’information parfois contradictoire en apparence, les critères principaux restent la tradition et la logique musicale. La bonne connaissance de la tradition chopénienne commence par celle entourant la vie du compositeur et des aspects liés à sa musique et à son approche au piano. Mieux connaître Chopin agira comme barème pour déterminer si l’information sur la partition est de bonne source.


Des éditions à consulter : quoi et pourquoi